Le 31 décembre 2020, sera célébré le cinquantième anniversaire de la loi qui créa les groupements fonciers agricoles et leurs dérivés, les groupements fonciers viticoles. Vraisemblablement, l’anniversaire de cette loi du 31 décembre 1970 passera inaperçu. Peut-être par ce qu’elle n’a jamais porté le nom d’un ministre ? Et pourtant, l’ensemble du monde agricole et viticole français ne serait pas tout à fait ce qu’il est aujourd’hui sans elle.
Que propose cette loi bientôt quinquagénaire ? Elle a tout d’abord organisé la possibilité de séparer le patrimoine foncier (la terre ou la vigne) du reste des biens nécessaires à l’exploitation. Concrètement, les terres ou les vignes peuvent être apportées par leur(s) propriétaire(s) à une société de nature civile, ou être achetées après apport d’argent. La propriété des terres peut donc facilement être répartie ou transmise sous forme de parts, plus commodes à gérer, partager et transmettre qu’en indivision. Ces terres peuvent ensuite être confiées en location à un exploitant, membre de la famille ou non, par un bail rural à long terme.
Cette séparation entre les actifs fonciers et les actifs d’exploitation constitue en elle-même un grand progrès, puisqu’elle permet à des familles de vignerons d’organiser bien en amont la transmission de leur domaine, ou de trouver les sources de financement nécessaires pour se développer, ou désintéresser certains actionnaires en rachetant leurs parts. Et pour faciliter cette réorganisation, viennent s’ajouter de substantiels avantages fiscaux permettant de réduire l’impôt sur les donations ou successions, mais également l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
En premier lieu, celui qui reçoit des parts de GFV par donation ou succession bénéficie d’une exonération de 75 % de la valeur des parts jusqu’à 300 000 €, et de 50 % au-delà, sans limite. Cette exonération s’entend par propriétaire et héritier ou donateur et donataire. Autrement dit, un couple propriétaire de parts qui aurait trois enfants pourrait donner, s’il souhaitait optimiser à plein l’abattement de 75 %, 300 000 € x 2 x 3, soit 1 800 000 €, pour une valeur taxable globale de seulement 450 000 € (soit, effectivement, 1 350 000 € qui ne supporteront pas de droits à payer).
En matière d’IFI, le principe de l’exonération partielle reste le même, mais l’exonération des trois quarts de la valeur est limitée à 101 897 €, l’abattement de 50 % au-delà étant, là aussi, sans limite.
Des avantages sous conditions
Bien évidemment, il faut respecter certaines conditions pour bénéficier de ces avantages fiscaux.
La première de ces conditions est que les associés du GFA ou du GFV soient tous des « personnes physiques » avec une exception principale qui autorise la détention du capital en tout ou partie par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).
La deuxième condition est l’existence d’un bail à long terme, souvent de 18 ans, consenti par la société à l’exploitant. Intéressez-vous plutôt aux baux de 25 ans au minimum, dits « baux à long préavis ou baux de carrière », beaucoup plus protecteurs des intérêts des propriétaires que les baux de 18 ans, très favorables aux exploitants. Ce dernier est reconductible automatiquement par l’exploitant sans que le propriétaire ne puisse s’y opposer, à quelques exceptions près, alors qu’il peut être mis fin au bail de 25 ans par simple congé, après un préavis incompressible de 4 ans.
Ce bail définit sur la durée les termes précis du loyer annuel, le fermage, bien encadré par le droit rural. Il précise les termes du fermage en nature, c’est-à-dire en hectolitres de vin ou en kilos de raisin, par exemple, et les conditions du paiement soit en argent, soit en nature, soit un mélange des deux. Cette dernière possibilité représentant un avantage indéniable dans le cas des groupements fonciers viticoles.
Comme pour toute société civile, une assemblée générale annuelle est obligatoire. Pour les GFV, elle se tient, en général, chez le vigneron.
La troisième condition pour bénéficier de ces avantages fiscaux concerne la durée de détention des parts. Les souscripteurs doivent les conserver au moins 2 ans, et les bénéficiaires de donation ou de succession au moins 5 ans.
Une taxation des revenus avantageuse
La quote-part de fermage perçue par chaque associé, ou la contre-valeur des bouteilles lorsque la rémunération s’effectue par paiement en nature, est taxable dans la catégorie des revenus fonciers. Si la totalité des revenus fonciers de l’associé n’excède pas 15 000 €, il peut opter pour le microfoncier (application d’un abattement de 30 %). Si l’associé perçoit ses loyers en bouteilles, il est taxé sur la valeur indiquée dans le fermage, et non sur leur valeur réelle, qui peut être bien supérieure. Un avantage significatif qui permet d’augmenter sensiblement le rendement de l’opération.
Un outil de diversification de son patrimoine
Diversifier son patrimoine a toujours été la règle d’or absolue. Outre le fait d’investir dans un bien réel et tangible, détenir du foncier agricole ou viticole, sans les bâtiments qui lui sont attachés, dispense de beaucoup de soucis de gestion ou d’entretien.
Ne vous attendez pas, pour autant, à des rendements élevés. Le revenu annuel procuré par le fermage est généralement faible en agriculture viticole. Concernant les GFV, il se situe dans une fourchette de 1 à 3 %, rarement plus, et parfois nettement moins de 1 % pour les crus les plus prestigieux, notamment en Côte-d’Or.
Mais cet investissement offre surtout des perspectives de valorisation. Dans le cas du foncier viticole, celle-ci dépendra surtout de la bonne santé économique du monde dans son ensemble. En ce qui concerne le vin en particulier, notre pays a l’immense chance d’être considéré comme « la référence absolue » en matière de grands vins. Ce n’est pas dû au hasard, c’est le résultat de plusieurs siècles de travaux intenses et réfléchis à la vigne et en cave, mais aussi aux talents de nos marchands au fil des siècles. C’est aussi le reflet de notre culture et de notre « art de vivre à la française » reconnus, appréciés et enviés partout dans le monde.
C’est dans le choix de son investissement qu’il convient d’être vigilant. Pour ne prendre que l’exemple des vignes, certaines régions, peut-être injustement délaissées ou mal connues, n’ont pas vraiment constaté de progression du prix de leur foncier sur les 20 dernières années. A contrario, en Côte-d’Or, certains grands crus, dont la demande mondiale de bouteilles est très forte et l’offre très réduite, ont vu le prix des vignes être multiplié par six sur cette même période. Un phénomène également constaté en Champagne, où les propriétaires ont coutume de dire que le prix des vignes double tous les 10 ans. Sur longue période, les statistiques de la Safer le confirment.
Mais gardez toujours en tête que les performances passées ne présagent pas de leur futur, et que la sélectivité reste de mise.
Attention aux risques
L’investissement en GFV n’est pas sans risque, et il convient d’en être conscient.
En premier lieu, le capital investi en parts de GFV ne peut pas être garanti. Le risque de pertes peut être généré par différentes causes non exhaustives :
● le risque naturel ou sanitaire ;
● le risque lié aux locataires sur le parfait règlement du fermage ;
● le risque d’immobilisation en capital, lié à une illiquidité temporaire.
Comme dans toute société civile, il existe aussi un risque concernant la responsabilité des associés qui ne se limite pas à la seule valeur de leur apport.
C’est pourquoi il faut être vigilant et bien étudier la qualité intrinsèque de l’investissement projeté, les références du fermier locataire, mais aussi le savoir-faire sur la durée du promoteur du groupement et l’existence d’un marché secondaire actif des parts.
Et bien sûr, il ne faut pas écarter le risque lié au réchauffement climatique. Faut-il pour autant considérer que l’avenir sera obligatoirement sombre… et que le futur de la vigne devra se situer dans les pays nordiques ? Ce serait totalement méconnaître les capacités d’adaptation des hommes qui disposent de nombreux leviers pour agir, tant dans le choix des cépages que des méthodes culturales et de vinification, mais aussi dans les incroyables capacités d’adaptation de la vigne elle-même. Ces lianes vivaces et résistantes ont prouvé depuis des millénaires sous des latitudes et climats difficiles (îles grecques ou éoliennes, montagnes alpines ou caucasiennes…) leur formidable adaptabilité.
Investissement et bénéfice plaisir
Malgré les quelques risques qu’il ne faut pas nier mais pas non plus surestimer, l’investissement en parts de GFV s’avère un magnifique outil de gestion de patrimoine. À la diversification dans un bien réel, plutôt sécurisé, qui a de bonnes chances de se valoriser durablement et qui se transmettra le moment venu très favorablement, s’ajoute également une notion peu fréquente dans l’univers terne et froid de la finance : le plaisir. Celui de recevoir chaque année de belles et bonnes bouteilles à déguster ou à offrir, et de partager de bons moments de convivialité, avec son vigneron et ses associés à l’occasion des assemblées générales.
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