En principe, pour le calcul de leur impôt, les contribuables qui perçoivent des revenus fonciers sont en droit de déduire les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition des immeubles donnés en location.
Lorsque les biens immobiliers productifs de revenus sont détenus au travers d’une société civile immobilière (SCI) non soumise à l’impôt sur les société (non IS), la règle devrait en principe être identique. Une société civile non IS est en effet neutre d’un point de vue de fiscal. Pourtant, nous allons voir que ce n’est pas toujours le cas.
I. Déductibilité des intérêts d’un emprunt contracté personnellement par le contribuable
les règles sont différentes suivant que l’emprunt se rapporte directement à l’immeuble loué ou à des parts de SCI laquelle détient l’immeuble loué.
A. Emprunt se rapportant à un immeuble donné en location
Pour le calcul de l’impôt sur le revenu, l’assiette des revenus fonciers est réduite des intérêts d’emprunt contracté pour la conservation, l'acquisition, la construction, la reconstruction, la réparation ou l'amélioration des immeubles donnés en location. La déduction ne s’étend en revanche pas aux remboursements en capital.
Puisque l’emprunt doit se rapporter à un immeuble donné en location, la règle ne bénéficie notamment pas aux immeubles acquis en vue de leur revente.
Quid du démembrement de propriété ?
Sort de l’usufruitier - Les revenus issus de la location d’un immeuble dont la propriété est démembrée profitent à l’usufruitier. Si ce dernier a contracté un emprunt en vue d’acquérir l’usufruit du bien immobilier, il est naturellement en droit d’en déduire les charges financières.
Sort du nu-propriétaire - Bien qu’il ne perçoive aucun revenu à ce titre, le nu-propriétaire est autorisé par l’administration fiscale à déduire les intérêts d'emprunts qu’il aurait effectivement versés, et destinés à financer soit l'acquisition de la nue-propriété, soit les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration de l’immeuble loué. Ces charges financières seront alors déductibles des revenus fonciers que le nu-propriétaire pourrait par ailleurs percevoir d’autres biens immobiliers. Lorsque l’immeuble donné en location est détenu par une SCI, les règles diffèrent en partie.
B. Emprunt se rapportant à des parts de SCI détenant l’immeuble donné en location
Lorsqu’un contribuable perçoit des revenus fonciers issus d’une SCI, il est en principe en mesure de déduire les intérêts des prêts qu'il a contractés personnellement pour faire son apport à la société ou acheter les parts de la société. À noter toutefois que la déduction des intérêts d’un emprunt souscrit par une société en vue de racheter ses propres parts auprès de l’un des associés, n’est pas admise. Les intérêts de cet emprunt ne sont donc pas déduits dans le cadre de la détermination du résultat net foncier de cette société.
Quid du démembrement de propriété ?
Sort de l’usufruitier - Les intérêts d’un emprunt effectivement versés par l’usufruitier de parts d’une SCI détenant un immeuble loué, destinés à financer l’acquisition de l’usufruit de ces parts, sont déductibles de la quote-part des revenus imposable au nom de l’usufruitier.
Si la SCI constate un déficit foncier, l’usufruitier peut, quel que soit les statuts de la SCI, imputer les charges financières sur les revenus fonciers qu’il retire d’autres immeubles au cours de la même année ou des dix années suivantes.
Sort du nu-propriétaire – Le Conseil d’État vient de confirmer, par un arrêt du 24 février 2017, la position contestable de l’administration fiscale suivant laquelle les intérêts d’emprunts contractés personnellement par le nu-propriétaire de parts d’une société détenant un immeuble loué, pour financer l’acquisition de la nue-propriété de ces parts, ne sont pas déductibles des éventuels revenus fonciers qu’il pourrait percevoir par ailleurs. Nous peinons à comprendre cette distorsion fiscale créée entre le nu-propriétaire d’un immeuble de rapport et le nu-propriétaire de parts de SCI. Le juge a bien tenté de se justifier par le fait que seul l’usufruitier des parts sociales est soumis à l’impôt sur le revenu relatif aux loyers perçus par la société.
Mais d’une part, c’est également l’usufruitier d’un immeuble donné en location qui est seul soumis à l’impôt sur les loyers perçus. Pourtant, le nu-propriétaire dudit immeuble est lui autorisé à déduire de son côté les charges financières qu’il supporte. Surtout, nous allons voir que ce n’est pas toujours à l’usufruitier des parts sociales qu’il incombe de payer l’impôt sur le revenu foncier de la SCI.
II. Déductibilité des intérêts d’un emprunt contracté par une société civile
Lorsqu’un contribuable perçoit des revenus fonciers issus d’une SCI, il peut en principe déduire les intérêts des prêts contractés par la société pour l’acquisition, l’amélioration, la réparation et la conservation des immeubles donnés en location.
Quid du démembrement de propriété ?
En l’absence de prévisions des parties – Dans le silence des parties, l’administration fiscale estime que l’ensemble des revenus fonciers dégagé par la SCI est imposable au nom du seul usufruitier. C’est donc l’usufruitier qui peut déduire les charges financières supportées par la société.
En présence de prévisions des parties – Les parties sont autorisées à organiser, dans une certaine mesure, une répartition différente des revenus fonciers, soit dans les statuts soit dans une convention conclue entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Cette répartition conventionnelle est opposable à l’administration fiscale, dès lors que le support la contenant a acquis date certaine avant la clôture de l’exercice. Suivant le choix des parties, le nupropriétaire peut donc être soumis à l’impôt sur le revenu relatif à une partie des loyers perçus par la société. À ce titre, il serait en droit de déduire à due-proportion les charges financières acquittées par la SCI.
La maîtrise de ces règles, peu évidentes de prime abord, est indispensable avant d’appréhender des stratégies mêlant société civile, démembrement de propriété et dette.