SCI et transmission

Sécuriser ses montages

La SCI est souvent la structure juridique qui permettra d'optimiser la gestion de son patrimoine. Mais là aussi, jusqu'où peut-on aller dans la subtilité des montages ? La nouvelle définition de l'abus de droit ne vient-elle pas compliquer la donne ?

De nombreux schémas d'ingénierie patrimoniale visant à préparer la transmission d'un patrimoine immobilier, qu'il s'agisse de l'immobilier affecté à l'exploitation du chef d'entreprise et/ou d'un patrimoine immobilier locatif, reposent sur l'interposition d'une société civile immobilière (SCI). L'entrée en vigueur de la nouvelle procédure du mini-abus de droit conduit à s'interroger sur l'avenir de ces montages, souvent sources d'importantes économies d'impôt pour les opérations qui seront réalisées à compter du 1er janvier 2020.

S'il paraît acquis que la donation de la nue-propriété d'un bien immobilier ne sera pas contestée sur le fondement du mini-abus de droit , qu'en sera-t-il de tous les schémas qui combineront démembrement de propriété et apport d'un bien immobilier à une société civile immobilière (SCI), suivi de la donation des parts aux enfants ? Quid aussi des montages consistant à apporter la nue-propriété d'un immeuble à une SCI puis à donner les parts sociales reçues en contrepartie ou à l'inverse de ceux qui reposent sur l'apport de la pleine propriété d'un immeuble à la SCI, suivi de la donation de la nue-propriété des parts aux enfants…?

Pendant très longtemps, l'administration fiscale et le comité de l'abus de droit ont considéré que la plupart de ces opérations étaient constitutives d'un abus de droit, notamment lorsque l'opération d'apport et la donation des parts étaient concomitantes et que la société n'avait pas d'activité. La jurisprudence a progressivement corrigé le tir jugeant que ces schémas poursuivaient un intérêt autre que fiscal. Aujourd'hui, le terrain est relativement bien balisé au regard du risque d'abus de droit lorsque le but est exclusivement fiscal. D'une manière générale, l'abus de droit est généralement écarté à chaque fois que la constitution d'une société civile immobilière répond à un véritable besoin.

Selon les circonstances propres à chaque situation, il peut s'agir d'éviter les aléas de l'indivision aux enfants après le décès de leurs parents, de permettre aux parents de conserver un pouvoir de décision sur la gestion des biens donnés en démembrement et/ou de les mettre à l'abri du besoin jusqu'à la fin de leur vie, ou plus généralement de préserver la cohésion du patrimoine familial. Encore faut-il que la SCI bénéficiaire de l'apport ait une véritable existence. Pour cela, elle doit disposer de son propre compte bancaire, avoir une comptabilité régulièrement tenue, respecter ses obligations fiscales (dépôt des déclarations notamment) et réunir ses associés en assemblée générale au moins une fois par an…

Pour de nombreux praticiens, la poursuite de ces objectifs autre que fiscaux déjà parfaitement identifiés par la jurisprudence, ainsi que la confirmation par Bercy que la nouvelle définition de l'abus de droit ne remettait pas en cause les donations avec réserve d'usufruit, devraient également permettre d'écarter la constatation d'un mini-abus de droit.

Emprunt via une SCI suivi d'une donation

Ils se demandent toutefois si l'administration fiscale fera la même analyse dans le cas de l'acquisition d'un immeuble financé par emprunt via une SCI, suivi de la donation des parts - en pleine propriété comme en nue-propriété - aux enfants. La mise en société de l'immeuble avant la donation des titres aux enfants présente un intérêt fiscal puisqu'elle permet de soustraire de la base de calcul des droits de donation le montant de l'emprunt contracté. Autrement dit, pour le calcul des droits de donation, on va retenir la valeur nette des parts, c'est-à-dire après déduction du montant de l'emprunt. Cette valeur nette qui risque d'être très faible si la SCI est fortement endettée.

Conséquence : les enfants n'auront pas ou peu de droits de donation à payer au moment de la donation et ils profiteront, une fois l'emprunt remboursé, de l'accroissement mécanique de la valeur des parts  sans coût fiscal supplémentaire. Toutefois, pour de nombreux praticiens, cette économie fiscale ne serait pas le motif principal de l'opération - qui réside dans l'intention libérale du donateur - mais le moyen de la rendre possible…

Opérations de rachat à soi-même

Plus généralement, certaines opérations de 'rachat à soi-même', dites d'OBO immobilier (Owner Buy-Out), associées au démembrement de propriété risquent d'être visées par cette nouvelle définition de l'abus de droit. Ces opérations consistent à faire racheter par une SCI que l'on contrôle des biens immobiliers que l'on détient déjà, le financement de l'acquisition étant assuré ou non par un emprunt, selon les situations et l'objectif poursuivi.

Ce rachat peut porter sur des biens dont le donateur se réserve la jouissance (résidence principale ou secondaire), un patrimoine immobilier de rapport générant des revenus fonciers fortement imposés ou encore, pour les chefs d'entreprise, sur les locaux nécessaires à leur activité professionnelle.

Certains de ces montages ont été validés par la jurisprudence et le comité de l'abus de droit tandis que pour d'autres l'abus de droit a été retenu, notamment lorsque l'interposition d'une SCI visait à générer des déficits fonciers imputables sur le revenu global des associés, leur permettant de réaliser une économie d'impôt substantielle. Comme aujourd'hui, pour les situations dans lesquelles l'abus de droit n'a pas été retenu, la poursuite d'objectifs patrimoniaux devrait permettre d'écarter le but principalement fiscal, comme elle a permis d'écarter le but exclusivement fiscal, à moins de considérer qu'un objectif patrimonial est à lui seul un objectif principalement fiscal.

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