Que faire lorsque la société a un besoin très important de trésorerie et n'est pas suivie par ses banques ?
Il ne reste alors plus que le portage immobilier. Mais qu’est-ce exactement qu’un portage immobilier ?
Pour faire simple, il s’agit d’une vente avec faculté de rachat, définie dans les articles 1659 à 1673 du Code Civil (art 1659 : « La faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l’article 1673. »).
Lorsque l’on est propriétaire d’un bien immobilier et que les recours bancaires sont épuisés, c’est la seule solution disponible. Un investisseur va alors acquérir le bien immobilier pour une fraction de sa valeur vénale et le vendeur pourra continuer à occuper le bien ou le louer le cas échéant en échange d’une indemnité d’occupation formalisée par un contrat (contrat d’occupation précaire ou bail). Le montant des indemnités annuelles est en général compris entre 9 et 15 % du prix de vente.
Cela peut paraître élevé mais :
C’est le coût du risque lorsqu’aucune solution bancaire n’est possible ;
C’est la dernière solution avant la faillite ou la saisie du bien ;
Les 9 à 15 % « sur le prix de vente », s’appliquent à un prix de vente fortement décoté par rapport à la valeur réelle du bien, et correspond donc plutôt à entre 4.5 et 7.5 % de la valeur réelle du bien (si l’on applique une décote de 50 % comme dans l’exemple ci-après), soit finalement le coût d’une location classique.
Le plus important pour le vendeur est qu’après une période déterminée à l’avance (entre 12 et 60 mois maximum), il pourra racheter son bien à un prix convenu à l’avance.
Exemple précis :
Valeur expertisée des murs : 3 300 000 €
Prix de vente 1 650 000 €, soit une décote de 50 % par rapport à la valeur vénale
o Moins 50 000 € de caution locative placée en compte séquestre
o Soit un disponible vendeur de 1 600 000 €
Indemnités d’occupation : 205 500 €/an hors taxes et hors charges (soit 12.45 % des 1 650 000 € mis à disposition)
Faculté de rachat dans 3 ans et demi (fenêtre de sortie de 6 mois) au prix de 1 800 000 €
o 1 800 000 € = 1 650 000 € du prix de vente + 31 000 de frais d’acte de vente (soit un peu moins de 2 % car opération de type marchand de biens pour l’acquéreur) + 99 000 € d’honoraires d’intermédiation et de montage + frais d’acte de prêt et de bail + frais d’expertise et de diagnostic.
En résumé,
Vente d’un bien de 3.3 M€ au prix de 1,65 M€
Indemnité annuelle de 205 500 € HT/HC
Rachat dans 42 mois à 1.8 M€ (prix de vente + frais).
Au final, 205 500 €/an donnent un taux de rendement de 6.23 % (205 500 / 3 300 000). Nous sommes donc sur un loyer « normal » pour le vendeur-locataire.
A côté de ce loyer, il ne faut pas oublier les 135 000 € de frais liés à la mise en place de l’opération.
Le coût de ce type d’opération est élevé mais pas prohibitif.
Attention cependant, la mise en place et la finalisation d’un portage immobilier ne sont pas évidentes à réaliser, mais à l’arrivée cela permet de se donner le délai nécessaire pour rebondir, restructurer ou céder dans de bonnes conditions.
Le portage immobilier pour les particuliers
Le portage immobilier pour les particuliers, que l’on appelle souvent le réméré ou la vente à réméré, suit exactement le même principe mais sur des biens d’habitation.
Il s’agit d’un outil pour restructurer les dettes des particuliers qui ne peuvent plus faire face à leurs échéances de prêt. On pense ici à la multiplication des prêts consommation, mais cela concerne aussi les accidents de la vie.
Par exemple, imaginons le cas d’un indépendant dans le domaine de la restauration. Il est propriétaire de sa résidence principale d’une valeur d’environ 200 000 €. Dans le contexte de la crise sanitaire, il a dû fermer lors du confinement et lors de la réouverture l’activité n’a pas repris suffisamment pour faire face à ses engagements.
Il doit 50 000 € de capital restant dû sur sa résidence principale et 20 000 € de dettes diverses.
Suite au 3ème mois d’impayé, la banque demande la déchéance du crédit, c’est-à-dire le remboursement total et immédiat du prêt et comme il ne peut pas payer, la machine infernale de la saisie immobilière est lancée.
Pour trouver une issue à cette situation, il est possible de lui proposer un réméré dans les conditions suivantes :
Vente de sa maison pour un montant de 120 000 € (décote de 40 % par rapport à la valeur estimée) ;
De ce montant vont se déduire :
o Environ 9 600 € de frais de notaire
o Environ 9 000 € d’honoraires (d’intermédiation, expertise, diagnostiques, …)
o 7 200 € de garantie placée en compte séquestre (à récupérer au terme)
o Soit un net disponible de 94 200 €
L’indemnité d’occupation est de 1 000 €/mois soit 14 400 €/an (12 % annuel du prix de cession, ou 7.2 % de la valeur réelle).
Avantages
Le client conserve la jouissance du bien pendant la durée du portage immobilier.
Le client conserve la priorité pour récupérer son bien à tout moment, avec un préavis de 3 mois, jusqu’à l’issue du portage immobilier (5 ans maxi).
Lorsque la situation financière du client sera assainie, ce dernier aura toute latitude pour emprunter auprès d’un organisme bancaire pour racheter le bien vendu lors du portage immobilier. En attendant il dispose d’un capital d’un peu plus de 94 000 € pour l’aider à faire face à ses charges.
Le client a la possibilité de céder son droit de faculté de rachat.
Dans le cadre des opérations de portage immobilier, les frais de mutation sont réduits.
Points de vigilances
Etat hypothécaire : il est nécessaire de vérifier en amont l’état des créances rattachées au bien utilisé dans l’opération de portage immobilier. Dans le cas de plusieurs créances, il sera nécessaire de les solder.
Dans le cadre des opérations de portage immobilier, il y a bien transfert de propriété, de fait la mairie ou l’organisme compétent a un droit de préemption (DIA – déclaration d’intention d’aliéner) qu’il faudra purger avant de réaliser l’opération.
Qui peut faire un portage immobilier ?
Tout le monde : particuliers, artisans, commerçants, professions libérales, entrepreneurs, sociétés, sociétés civiles immobilières (SCI), promoteurs immobiliers, etc…
Sur quel type de bien peut-on faire un portage immobilier ?
Tout type : sur des biens d’habitation (maison, appartement, villa), sur des ensembles immobiliers (immeuble), sur des surfaces commerciales (bureau, local industriel, etc…) ou sur des terrains (dont terres agricoles).
Dans quels cas faire un portage immobilier ?
Dès que les recours bancaires sont épuisés :
Saisie immobilière avec ou sans vente judiciaire forcée, déchéance du terme d’un prêt relais ou d’acquisition, tous fichages Banque de France,
Besoin immédiat de trésorerie personnelle (dans l’attente d’une vente de bien) et/ou professionnelle (apport de cash),
Redressement ou liquidation judiciaire, démarrage d’une nouvelle activité, droits de succession, divers impayés,
Cession urgente du patrimoine immobilier,
Obtention de trésorerie pour acquérir un bien immobilier,
…
Comment sort-on un portage immobilier ?
L’idéal est que le portage ait permis au propriétaire-vendeur d’avoir le temps de se refaire une situation financière et d’être donc en capacité de souscrire un financement bancaire pour racheter son bien.
Si ce n’est pas le cas, le vendeur bénéficie d’une clause lui permettant de vendre son bien à un tiers à son prix réel. L’investisseur sera alors remboursé et le vendeur percevra la différence entre le produit de la vente et la somme due à l’investisseur.
Points d’attention
Il est très important que l’opération de portage immobilier ne soit faite que si elle permet de solutionner l’ensemble des dettes et/ou problèmes. Par ailleurs, le montant de l’indemnité d’occupation doit correspondre à la capacité financière actuelle du propriétaire-vendeur. Enfin, il faut proscrire ce type d’opération si l’on n’a pas une réelle capacité de sortie de l’opération de portage par le rachat du bien ou sa vente. A défaut, on aura vendu son bien avec une forte décote dont on ne reverra jamais la couleur.
Un bon portage immobilier doit donc permettre d’acheter le temps nécessaire pour se refaire ou pour restructurer. C’est ainsi qu’il peut sauver des entreprises, des emplois et des domiciles.