Le bénéfice d’une donation ou d’une assurance vie peut être remis en cause lorsque le donateur ou le souscripteur du contrat a touché des aides sociales. Ces dernières peuvent en effet être intégralement récupérées, même auprès de la personne gratifiée.
Vous ne le savez probablement pas, mais certaines aides doivent être remboursées par leurs bénéficiaires. C’est notamment le cas de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), de l’aide sociale à l’hébergement, de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou encore de la prise en charge du forfait journalier. Autant d’allocations non contributives, pour lesquelles le bénéficiaire n’a pas cotisé, et qui peuvent faire l’objet d’une demande de remboursement émanant des Départements (ou de l’Etat). A l’inverse, les sommes servies au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap ainsi que du revenu de solidarité active (RSA) ne sont pas récupérables, tout comme l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI).
Sur le bénéficiaire des aides ou sa succession
Lorsqu’elles sont exigibles par les pouvoirs publics, les aides peuvent être récupérées de plusieurs manières, énumérées à l’article L132-8 du Code de l’action sociale et des familles. Le texte de loi cite notamment l’action “contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune (dont le patrimoine a significativement augmenté, par exemple suite à un héritage, ndlr) ou contre la succession du bénéficiaire”. Si les finances du bénéficiaire se sont considérablement rétablies, la commission départementale d’aide sociale peut exiger le remboursement des sommes versées. Si une telle procédure est lancée sur la succession, elle aboutit à la récupération des aides dès lors que l’actif successoral net (des dettes) est supérieur à 46.000 euros. “Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à ce recouvrement”, indique par ailleurs l’article R132-12 du Code de l’action sociale et des familles. A noter que l’actif successoral retenu pour l’Aspa est fixé à 39.000 euros.
Auprès des donataires...
Plus étonnant, l’ensemble de ces aides peuvent être récupérées auprès des personnes gratifiées par le bénéficiaire. C’est notamment le cas après une donation. Lorsque cet acte est intervenu après la demande d’aide sociale, ou dans les 10 années précédant leur perception, le recours en récupération peut être exercé à l’encontre du donataire, c’est-à-dire la personne qui a reçu la donation. Les sommes récupérées se limitent alors au montant des biens donnés : “Le recours est exercé jusqu'à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l'aide sociale, appréciée au jour de l'introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire”, détaille l’article R132-11 du Code de l’action sociale et des familles. Même constat pour un legs, où “le recours est exercé jusqu'à concurrence de la valeur des biens légués au jour de l'ouverture de la succession”, poursuit le texte. Que ce soit pour un legs ou une donation, c’est le président du conseil départemental ou le préfet qui fixe lui-même le montant des sommes à récupérer, à savoir tout ou partie des aides concernées.
… et des bénéficiaires d’une assurance vie
Mais une fois tous ces recours épuisés, les Départements ou l’Etat peuvent alors se retourner vers le bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par la personne qui a perçu les aides sociales. Dans ce cas précis, les sommes correspondent à “la fraction des primes versées après l'âge de 70 ans”, explique l’article L132-8 du Code de l’action sociale et des familles. En présence de plusieurs bénéficiaires, chacun d’entre eux rembourse au prorata de la somme qu’il a reçue.
Risque de requalification pour les vieux contrats
A noter que ce cas de figure, introduit par la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, ne concerne que les contrats d’assurance vie souscrits après cette date. Mais attention, le bénéfice d’un tel contrat peut être requalifié en donation, comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation daté du 3 mars 2021. Dans l’affaire concernée, une personne avait souscrit un contrat d’assurance vie en 2003 puis avait commencé à toucher l’aide sociale du département de l’Allier pour la prise en charge de ses frais de maison de retraite à compter de 2007, et ce, jusqu’à sa mort.
Et si la récupération des sommes en jeu (9.224,17 euros) ne pouvait être permise en raison de la souscription du contrat (bien avant la loi de 2015), la juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire a retenu qu’un “contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ”. Ce désir du souscripteur, qui avait 77 ans à l’ouverture du contrat, et sa volonté de se dépouiller irrévocablement étant prouvés, - les fonds versés correspondaient à la quasi-totalité de son patrimoine) -, les juges ont ainsi requalifié le contrat en donation et cassé l’arrêt qui avait dans un premier temps donné raison au défendeur.