À l’origine, le bitcoin a été pensé et conçu pour permettre un paiement en monnaie électronique directement d’une personne à une autre, sans besoin d’une autorité centrale pour valider cette transaction.
1. Comment est fabriqué le bitcoin?
Régis par un protocole informatique inventé en 2009 par un mystérieux groupe sous le pseudonyme «Satoshi Nakamoto», les bitcoins sont créés au cours d’un processus appelé le «minage». La création de cet actif numérique rétribue le travail des «mineurs»: l’ensemble de ces ordinateurs, disséminés dans le monde et dotés d’une puissance de calcul très importante, compose le réseau décentralisé au sein duquel s’opèrent les transactions (les mineurs perçoivent aussi des frais sur ces transactions). C’est leur travail de calcul qui vérifie, valide et inscrit de façon immuable dans la blockchain* toutes les transactions entre acheteurs et vendeurs de bitcoins dans le monde. Le protocole informatique prévoit que le montant de cette rétribution - et donc l’émission de nouveaux bitcoins - soit divisé par deux tous les quatre ans (il est actuellement de 6,25 bitcoins par «bloc» miné). Et il est prévu qu’il n’y aura jamais à terme plus de 21 millions de bitcoins créés, pour limiter tout risque d’inflation. Chaque bitcoin est divisible en fractions (la plus petite est le satoshi qui représente 0,00000001 bitcoin).
2. À quoi sert-il?
À l’origine, le bitcoin a été pensé et conçu pour permettre un paiement en monnaie électronique directement d’une personne à une autre, sans besoin d’une autorité centrale pour valider cette transaction. Il s’échange sur des plateformes spécialisées, à un prix fixé par la loi de l’offre et la demande. Si technologiquement le bitcoin n’est pas «fait» pour devenir une monnaie d’échange à l’échelle mondiale, de nombreux commerces et enseignes (en France, du joaillier français Courbet à Just Eat en passant par l’Unicef) l’acceptent désormais, intégrant des «widgets» (bouton virtuel) pour régler facilement des achats en bitcoins. Le géant du paiement PayPal permet à ses 350 millions d’utilisateurs d’acheter des bitcoins sur sa plateforme et de les dépenser dans son réseau de marchands.
L’intérêt du bitcoin comme monnaie d’échange est toutefois moins flagrant dans les pays riches dominés par une infrastructure de systèmes de paiement efficiente que dans les pays où les personnes n’ont pas accès à des comptes bancaires ou sont en hyperinflation chronique comme le Venezuela ou l’Argentine.
3. Est-il inviolable?
En théorie oui. Et en pratique, dix ans de recul sur la blockchain bitcoins ont démontré le caractère inattaquable et infalsifiable de cette monnaie digitale. La sécurité de la technologie - et la confiance qui en découle - réside dans son protocole informatique et la décentralisation du réseau qui gère les transactions. Chaque ordinateur du réseau possède une copie de la chaîne de transactions, reliées entre elles par des «blocs». Plus le réseau est étendu et dispersé, plus il est difficile de modifier son code ou de réaliser une transaction frauduleuse. Pour falsifier une information, il faut être en mesure de falsifier simultanément plus de 50 % des ordinateurs du réseau. C’est quasiment impossible en termes de puissance de calcul, en l’état actuel de l’informatique et du coût induit. Même un cartel de «mineurs» n’y aurait pas intérêt, car sans confiance, le bitcoin perdrait immédiatement toute valeur. Cela reviendrait à braquer une banque pour y brûler aussitôt tout l’argent volé. Comme toute technologie informatique, une faille de type bug n’est théoriquement pas impossible mais ne s’est jamais produite.
En revanche, le risque premier - et avéré - réside dans l’attaque des coffres-forts et portefeuilles numériques dans lesquels sont stockés les bitcoins, que ce soit par les particuliers et institutions acheteuses ou les grandes plateformes d’échange où sont stockées les plus grandes quantités de bitcoins.
4. Pourquoi s’envole-t-il?
Le bitcoin est clairement l’un des grands gagnants de la crise. Sa valeur a été multipliée par six en un an. Avec la pandémie, la star des cryptomonnaies est devenue le chouchou des investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds de pension…). Dans un contexte où des montagnes de cash sont déversées sur les marchés, ces acheteurs qui pèsent des milliards voient dans la devise numérique une protection contre la perte de valeur des monnaies. Le bitcoin, par construction limité à 21 millions de tokens (jetons), produit un effet rareté qui rassure les investisseurs.
Ce n’est pas la seule raison de cette fièvre numérique. La demande est aussi alimentée par des milliers d’entreprises qui cherchent à placer leur trésorerie et parient sur la hausse. Beaucoup d’observateurs estiment que la devise numérique est loin d’avoir atteint son plus haut. En début d’année 2021, la banque JPMorgan a indiqué viser un cours à 146.000 dollars sur le long terme. L’arrivée des géants américains a contribué à faire monter la température. L’achat par Tesla d’1,5 milliards de dollars de bitcoins en février 2021 a fait à lui seul bondir les cours de 20 % en 48 heures. Le jour de l’annonce de Tesla, toutes les plateformes d’achat ont été saturées de demandes.
5. Est-il une valeur refuge, comme l’or?
La formidable envolée de la cryptomonnaie a coïncidé avec la pire récession depuis les années 1930. De la à considérer le bitcoin comme la dernière planche de salut face à une sphère financière au bord du gouffre, il y a qu’un pas que ses partisans les plus fervents n’hésitent plus à franchir. Le bitcoin serait l’ultime valeur refuge, susceptible, à terme de détrôner l’or. À leurs yeux, le métal précieux souffre de nombreux handicaps: il est cher à stocker, il peut être confisqué et n’est pas facilement divisible. En face, le bitcoin est contenu dans un fichier informatique, divisible pratiquement à l’infini, accessible partout via une clé chiffrée dans un grand livre de comptes réputé infalsifiable, la blockchain. Et, cerise sur le gâteau, il est totalement indépendant des autorités gouvernementales et monétaires. Les détracteurs de la monnaie électronique font valoir que sa valeur ne repose sur rien de concret, qu’elle est loin d’être reconnue universellement, ne s’échange pas au guichet des banques et est refusée par l’immense majorité des commerces. En face, la valeur de l’or est reconnue partout. La relique barbare est un actif réel et constitue une bonne protection contre l’inflation. Sa valeur provient également de sa rareté tandis que celle du bitcoin serait un simple leurre, comme d’ailleurs sa sécurité. Le seul point commun est peut-être la part de rêve que véhiculent ces deux actifs.
6. Y a-t-il une bulle spéculative du bitcoin?
Une bulle spéculative s’est-elle formée autour du bitcoin, dont le prix est passé en trois mois de 13.000 à 58.354 dollars fin février 2021 ? Il est difficile de répondre à cette question. Contrairement à l’immobilier ou aux actions, le bitcoin n’a pas de valeur fondamentale et ne génère pas de flux financier comme des loyers ou des dividendes. Il est donc difficile de connaître son juste prix. La valeur du bitcoin repose sur la confiance que lui accordent les acquéreurs en tant qu’investissement ou, dans une moindre mesure, comme moyen de paiement. Si pour une raison ou une autre, cette confiance se dégonflait, la valeur du bitcoin pourrait théoriquement tomber à 0. Mais, en plus de dix ans d’existence et malgré plusieurs crises de confiance successives, la valeur de l’actif virtuel ne s’est jamais effondrée.
Nombre d’experts s’attendent cependant à une correction plus ou moins brutale des prix de la reine et doyenne des cryptomonnaies. Le bitcoin est aujourd’hui à un point de basculement: soit il parvient à devenir une devise de choix pour les échanges internationaux de demain, soit il fera face à une implosion spéculative.
7. Menace-t-il les monnaies?
«On ne peut pas se payer un café avec du bitcoin», répète Janet Yellen, la ministre des Finances de Joe Biden. «Elle a raison, reconnaît l’investisseur Teeka Tiwari, patron de DeFiTech et fervent soutien des cryptoactifs, un camion n’est pas fait pour transporter un seul ananas.» Lui, ne considère d’ailleurs pas le bitcoin comme une monnaie. Mais il souligne que l’instrument virtuel permet de déplacer «des milliards de Tokyo à New York en quelques minutes pour 20 dollars». Une efficacité que les banques centrales surveillent. Et souhaitent concurrencer en lançant dans les prochains mois ou années les versions électroniques des grandes devises, dollar, euro ou yuan.
Si les grands argentiers de la planète relativisent le risque macroéconomique posé par le bitcoin, ils sont depuis bientôt trois ans très vigilants sur le développement du projet de cryptodevise lancé en 2018 par Mark Zuckerberg, le patron de Facebook. Au fil des rebondissements et des obstacles, le libra a été rebaptisé diem. Parce qu’il serait adossé à la puissance de Facebook, et à une contrepartie en «vraie monnaie», le diem pourrait rapidement être adopté par des centaines de millions d’utilisateurs.
Dans des pays en développement aux finances fragiles, un engouement massif pour cette monnaie virtuelle pourrait provoquer des déséquilibres aux effets difficiles à cerner. C’est pourquoi le FSB (en français le Conseil de stabilité financière), le FMI ou encore la Banque des règlements internationaux (BRI), où l’ancien de Bercy et de la BCE Benoît Cœuré supervise les innovations monétaires, ont multiplié ces derniers mois rapports et appels à encadrer les cryptomonnaies comme le diem.
Article écrit le 10 mars 2021.
*La blockchain est un système numérique qui permet le stockage et la transmission certifiée d’informations via Internet. Ce système a vu le jour en 2008, pour sécuriser les transactions en Bitcoin, la première crypto-monnaie. Il pourrait être comparé à un grand livre de comptes, partagé sur les ordinateurs de tous ses utilisateurs.