Partir avec une décote

Et pourquoi pas ?

Prendre sa retraite sans attendre de bénéficier du taux plein, c'est renoncer à une fraction plus ou moins importante de sa pension. Un tel choix est irréversible mais, avant d'exclure d'emblée pareille hypothèse, il n'est pas inutile d'y réfléchir. Calculs à l'appui.

Est-il absolument indispensable d'attendre de pouvoir bénéficier du taux plein pour liquider sa retraite ? 

Pour bénéficier d'une retraite au taux plein (sans racheter éventuellement des trimestres au titre d'années d'étude), vous n'avez que deux solutions :

- atteindre l'âge légal de départ, désormais fixé à 62 ans pour ceux nés à partir de 1955, et justifier de la durée d'assurance requise, variable selon l'année de naissance,

- ou bien attendre d'avoir 67 ans. Aujourd'hui, rares sont ceux qui peuvent partir dès 62 ans avec le taux plein.

COMBIEN DE TRIMESTRES MANQUANTS ?

En demandant la liquidation de votre retraite alors que vous ne justifiez pas de la durée d'assurance nécessaire pour le taux plein, vous renoncez définitivement au montant maximum qui vous aurait été versé avec une carrière complète. Pour le calcul de votre pension, un coefficient de minoration est appliqué pour chacun des trimestres manquants (voir tableau). On détermine leur nombre de deux façons :

- soit par rapport à celui nécessaire pour bénéficier de la durée d'assurance ouvrant droit au taux plein ;

- soit par rapport à celui nécessaire pour atteindre l'âge du taux plein automatique (de 66 ans et 2 mois à 67 ans bientôt).

C'est la formule la plus favorable à l'assuré qui est retenue.

Exemple

Un assuré né en 1953 décide de prendre sa retraite en 2015 alors qu'il ne totalise que 157 trimestres au lieu des 165 requis. Il lui manque :

- 8 trimestres pour atteindre les 165 requis ;

- 20 trimestres pour atteindre l'âge du taux plein automatique (66 ans et deux mois).

Ici, la décote est calculée sur la base des 8 trimestres manquants.

La décote est plafonnée à 20 trimestres dans les régimes de base et complémentaires Agirc-Arrco. Le coefficient de minoration est donc le même qu'il vous manque 20, 25 ou 30 trimestres. 

CALCUL DU TAUX DE MINORATION

Une fois le nombre de trimestres manquants déterminé, une décote est appliquée au taux de liquidation de la retraite de base qui est de 50%. En toute logique, plus le nombre de trimestres manquants est important et plus la décote est élevée.

Pour calculer cette décote, deux méthodes peuvent être utilisées mais elles aboutissement strictement le même résultat. Le coefficient de minoration, qui varie selon l'année de naissance de l'assuré, peut être exprimé en pourcentage ou en points :

- assuré né en 1951 : 1,5 % (ou 0,75 point) par trimestre ;

- assuré né en 1952 : 1,375 % (ou 0,6875 point) par trimestre ;

- assuré né en 1953 et après : 1,25 % (ou 0,625 point) par trimestre.

Exemple

Pour notre assuré né en 1953, la minoration est égale à 1,25 % ou à 0,625 point par trimestre manquant, soit :

- 8 trimestres × 1,25 % = 10 %, soit 50 % – (10 % × 50 %) = 50 % – 5 % = 45 %

- 8 trimestres  × 0,625 % = 5 %, soit 50 % – 5 % = 45 %

PENSION DE BASE CALCULÉE EN DEUX TEMPS

Une fois le taux de pension calculé, il faut ensuite calculer le montant de la pension en procédant en deux étapes successives.Dans un premier temps, on détermine le montant théorique de la pension acquise.

Exemple

Notre assuré aux 8 trimestres manquants décide de liquider sa retraite cette année. Son salaire annuel moyen s'élève à 25 000 €. Avec la décote de 5 %, sa pension sera de :

25 000 € × 45 % = 11 250 € par an.

Dans un second temps, cette pension théorique est minorée en référence à la durée d'assurance requise selon l'année de naissance.

Exemple

Pour notre assuré, né en 1953, la durée d'assurance est fixée à 165 trimestres. Comme il ne justifie que de 157 trimestres, sa pension annuelle s'élève à :

11 250 € × (157/165 trimestres) = 10 704 €

En partant avec le taux plein, il aurait bénéficié d'une pension s'élevant à :

25 000 € × 50 % = 12 500 € x (165/165 trimestres) = 12 500 € par an.

ET LA RETRAITE COMPLÉMENTAIRE 

En ce qui concerne votre retraite Agirc-Arrco, les règles diffèrent sur certains points. " Pour la retraite complémentaire, la décote maximale est de 22 %, à raison de 1 % pour les douze premiers trimestres manquants et de 1,25 % pour les huit suivants. Ainsi, si vous choisissez de partir en retraite à partir de l'âge légal, c'est-à-dire à partir de 61 ou 62 ans selon votre date de naissance, mais sans totaliser tous les trimestres nécessaires (165 requis actuellement), vous pouvez liquider vos complémentaires avec une décote à condition qu'il vous manque moins de 20 trimestres par rapport à la durée d'assurance fixée dans le régime général.

Comme pour la retraite de base, la minoration est calculée en fonction de votre âge ou du nombre de trimestres manquants, la solution qui vous est la plus favorable étant retenue. Avec une particularité : l'Agirc et l'Arrco ont chacune leur propre coefficient de minoration.

PERTE FINANCIÈRE À LONG TERME

D'un strict point de vue financier, la pertinence d'un départ à la retraite avant le taux plein dépend d'un paramètre aussi important qu'incertain : votre espérance de vie. Paradoxalement, perdre de l'argent en partant tôt constitue une excellente nouvelle car cela signifie que l'assuré a profité plus tôt de sa retraite, certes minorée, pendant de nombreuses années...

Exemple

Un assuré décide de partir à 62 ans au lieu de 67 ans, soit 5 ans avant le taux plein. Sa retraite s'élève à 10 000 € avant une décote de 22 %, soit 2 200 € en moins, ce qui réduit sa pension annuelle à 7800 € 

•  pension perçue pendant 5 ans : (10 000 € – 2 200 €) × 5 = 39 000 €

•  manque à gagner : 39 000 € / 2 200 € = 17,7 années

Cet assuré va commercer à perdre de l'argent à plus de 79 ans (62 ans + 17,7 ans).

Il s'agit certes d'un ordre de grandeur puisqu'en continuant de travailler, cet assuré aurait amélioré ses droits mais,quoi qu'il en soit, la perte financière est tardive. Par ailleurs, la probable faiblesse des revalorisations de pension dans les années à venir constitue un argument supplémentaire pour ceux qui veulent arrêter plus tôt.

 

ATTENTION AU PLAFOND !

Une retraite au taux minoré n'interdit pas de reprendre ultérieurement une activité salariée, notamment pour compléter ses revenus. Mais avec une retraite assortie d'une décote, vous ne pouvez pas bénéficier du cumul emploi-retraite intégral.

Le versement de votre pension sera suspendu si le total de vos revenus (retraite de base et complémentaire + salaires) excède la moyenne mensuelle de vos trois derniers salaires ou un montant équivalent à 1,6 fois le Smic, soit 2 332 € en 2015.

 

 

FEMMES PENALISEES

En interrompant leur carrière professionnelle plusieurs mois voire quelques années pour élever leurs enfants, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ne pas justifier de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite au taux plein. Seules deux femmes sur cinq valident une carrière complète contre trois hommes sur quatre. L'impact de la décote est donc plus fort pour elles avec une pension moyenne de 1 204 € contre 1 677 € pour les hommes. 

 

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Au sein du régime complémentaire de retraite des salariés du privé Agirc-Arrco, deux décotes différentes cohabitent. L’une est temporaire alors que l’autre affecte votre pension jusqu’à votre décès.

Écrit par Nathalie Cheysson-Kaplan (Capital - 06/09/2021)

Attention aux risques de confusion. En plus de leur retraite de base versée par l’assurance retraite, tous les salariés du privé, qu’ils soient cadres ou non, ont le droit à une retraite complémentaire servie par l’Agirc-Arrco. A la différence de la retraite de base, leur retraite complémentaire est calculée sur l’ensemble de leur carrière. Pour obtenir le montant de leur retraite complémentaire, il leur suffit en principe de multiplier le nombre de points crédités sur leur compte durant toute leur vie active par la valeur du point au jour de la liquidation de leur retraite.

En pratique, les choses sont un peu plus complexes. Car si vous demandez le versement de votre retraite avant 67 ans, le résultat de ce calcul peut être affecté soit d’un abattement définitif, soit d’un malus temporaire. C’est l’un ou l’autre. Explications.

Si vous demandez votre retraite avant 67 ans, sans avoir la durée d’assurance requise correspondant à votre génération (167 trimestres si vous êtes né en 1958, 1959 et 1960 ; 168 trimestres si vous êtes né en 1961,1962, 1963 …), on vous applique une décote sur le taux de vos pensions de retraite. Cet abattement est définitif : on parle aussi d’abattement viager. Son taux dépend soit de votre âge, soit du nombre de trimestres qu’il vous manque pour réunir le nombre de trimestres requis correspondant à votre génération.

Par exemple, pour un départ à 62 ans, vous ne devriez toucher que 78 % de votre retraite complémentaire si on ne tenait compte uniquement de votre âge. Mais s’il vous manque moins de 20 trimestres, on retiendra la décote correspondant au nombre de trimestres qui vous manque. Vous percevrez alors 88 % de votre retraite complémentaire s’il vous en manque 12 ; 90 % s’il vous manque 10 trimestres, 95 % s’il vous en manque 5 ; 99 % s’il vous en manque 1 …

A l’inverse, lorsque vous avez la durée d’assurance requise pour le taux plein, vous échappez à la décote. Mais un système de malus (ou décote temporaire) a été mis en place pour vous inciter à différer la date de votre départ. Son principe est le suivant.

Si vous partez “pile poil” à la date à laquelle vous réunissez les conditions requises pour le taux plein, on vous appliquera un malus de 10 % (5 % pour les retraités assujettis à la CSG au taux réduit de 3,8 %). Ce malus est temporaire : il est appliqué pendant 3 ans, jusqu’à 67 ans maximum. Certains retraités y échappent toutefois : retraités exonérés de CSG, assurés qui peuvent prétendre à la retraite à taux plein quelle que soit leur durée d’assurance (assuré handicapé, aidant familiaux, invalidité …).

Si vous différez votre départ d’un an, vous n’aurez ni malus, ni bonus. Et si vous acceptez de décaler votre départ d’au moins deux ans, vous pouvez obtenir un bonus : 10 % si vous décalez votre départ de deux ans, 20 % si vous partez trois ans plus tard et 30 % si partez au moins 4 ans après avoir rempli les conditions pour le taux plein. Mais attention, ce bonus n’est versé que pendant un an.

Voici quelques exemples pour mieux comprendre ce dispositif.

Si vous réunissez à 62 ans les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein et décidez de partir à cet âge, vous ne percevrez que 90 % de votre retraite complémentaire pendant 3 ans (malus de 10 %). Si vous partez à 63 ans, ce malus ne s’appliquera pas. Et si vous partez à 64 ans ou plus tard, on vous appliquera un bonus pendant un an.

Si vous réunissez à 64 ans les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein et décidez de partir à cet âge, vous aurez aussi un malus de 10 % pendant 3 ans. Pour y échapper, vous devrez attendre d’avoir 65 ans pour demander votre retraite.

Si vous réunissez à 65 ans les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein et décidez de partir à cet âge, vous subirez également le malus de 10 % mais pendant 2 ans seulement, jusqu’à 67 ans. Et vous y échapperez si vous décidez de partir à 66 ans.