A peine 15 jours : tel est le délai à disposition des salariés, une fois leur prime de participation ou d'intéressement connue, pour décider d'investir ou non ces sommes, et donc de choisir sur quel plan, entre PEE (plan d'épargne entreprise) et Perco (plan d'épargne pour la retraite collectif), et via quels fonds le faire. Des options loin d'être anodines, puisque le capital est ensuite bloqué au minimum pour cinq ans, voire jusqu'à la retraite dans le cas du Perco. Et qu'à l'inverse de l'assurance vie, ces plans d'épargne n'offrent que peu de supports garantis et incitent plutôt à la prise de risque boursière. Nos conseils pour exploiter toutes leurs potentialités, tout en évitant les erreurs de débutant.

Les fonds proposés sont-ils de qualité ?

Il faut dire que, comme leurs gérants n'ont pas à régler de commissions de distribution, ils prélèvent des frais inférieurs à la moyenne. Selon une étude du spécialiste Eres, ceux-ci ne s'élèvent ainsi qu'à 1,26%, contre 1,35% pour les fonds classiques. Cela ne suffit pas à sauver tous les fonds de nos tableaux (nous avons ici comparé les fonds dits "interentreprises", les plus diffusés), dont certains, au ratio de Sharpe négatif, sont même moins performants que le Livret A.

Selon quels critères choisir les fonds ?

L'investissement de ses primes d'épargne salariale ? "C'est bien le seul investissement à se décider devant la machine à café, en écoutant les conseils des collègues", déplore Sébastien d'Ornano, fondateur de la fintech Yomoni, qui développe une offre en la matière. Mais un autre réflexe, consistant à se baser sur les performances passées des fonds, n'est pas meilleur. "Par exemple, ceux investis en obligations affichent de beaux résultats depuis cinq ans. Mais, compte tenu de la faiblesse actuelle des taux d'intérêt, il leur sera plus difficile de servir une performance positive", prévient Xavier Collot, directeur épargne salariale et retraite chez Amundi. Le mieux sera plutôt de caler votre choix sur votre horizon de placement, en passant par exemple par des fonds diversifiés équilibrés si vous envisagez un déblocage anticipé dans les cinq ans. Et ne négligez pas les fonds purement actions : la durée réelle de détention de l'épargne salariale, de neuf ans en moyenne, colle au délai nécessaire pour maximiser les chances d'enregistrer des gains sur ce type de produits.

Faut-il opter pour un seul fonds, ou panacher la mise ?

Bien sûr, il est préférable de diversifier vos investissements, en les répartissant, par exemple, entre deux ou trois fonds plus ou moins risqués… Le problème, c'est que les gérants de plans ne proposent pas tous une vue consolidée des portefeuilles constitués. Avec cette stratégie, vous devrez donc consulter les fiches descriptives de chacun des fonds souscrits, et faire vous-même les calculs pour savoir à quel degré vous êtes investi en actions, obligations ou produits monétaires. Un compromis sera sinon de choisir un fonds flexible, souvent proposé au sein de la gamme. Son gérant pourra, en fonction de ses anticipations, faire varier la part d'actions de 0 à 70%. Une technique bien adaptée pour un horizon d'investissement de cinq ans.

Les fonds ISR sont-ils performants ?

Près de 25% de l'épargne salariale (hors actions de l'entreprise) étaient, fin 2018, placés en fonds estampillés ISR (investissement socialement responsable), c'est-à-dire gérés selon des critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance. Autant prévenir les épargnants, ce label n'est pas un gage de meilleur résultat ni de contre-performance. Comme le montrent nos classements, ce type de fonds se retrouve aussi bien aux premières qu'aux dernières places. Attention également à ne pas les confondre avec ceux estampillés "solidaires", que chaque PEE ou Perco propose obligatoirement depuis 2010. Gérés selon le principe 90/10, ces supports investissent à 90% de façon classique (actions, obligations ou mélange des deux), et réservent jusqu'à 10% de la mise à des structures sans but lucratif, mais à vocation d'emploi ou d'insertion sociale, comme des coopératives ou des associations. Avantage : la valeur de ces titres varie peu, quel que soit le contexte boursier, ce qui amortit le choc en cas de krach. Mais réduit d'autant les espoirs de gains.

A quel rythme faut-il s'occuper de son plan ?

Avouez-le, votre épargne salariale, vous vous y penchez au mieux une à deux fois l'an, à l'octroi des primes ou à la réception de l'avis de situation. C'est pourtant tout l'inverse qu'il faut faire ! Une gestion active est d'autant plus conseillée que, dans la majorité des cas, les frais d'entrée comme d'arbitrage sont payés par l'employeur, de façon illimitée. Ce qui réduit fortement le coût de gestion d'un portefeuille, par rapport à ce qui vous serait prélevé sur un compte-titres classique ou une assurance vie. Les arbitrages sont ainsi conseillés lorsqu'une tendance baissière se dessine. A l'inverse, au sortir d'une correction boursière, comme celle survenue fin 2018, n'hésitez pas à reprendre une dose de risque en basculant une partie de l'épargne vers des fonds actions. Et, si vous pensez retirer de l'argent dans les prochains mois, mieux vaudra se diriger vers des fonds monétaires, pour ne pas être pris de court par un retournement de marché.

Est-il possible de déléguer la gestion du plan ?

Principal avantage du Perco : il propose, par défaut, une gestion pilotée de ses avoirs, qui réduit automatiquement le risque du portefeuille à mesure que l'âge de la retraite s'approche. Plus de 50% des détenteurs d'un tel plan bénéficient d'ailleurs de ce mode de pilotage. Rien de tel, pour l'heure, dans la majorité des PEE. Quelques teneurs de comptes, tels que Natixis et Amundi, commencent toutefois à proposer un service d'investissement automatisé, décidé par un robot à l'issue d'un questionnaire détaillé sur le niveau de risque toléré et l'horizon d'investissement. "Cela permet de mieux connaître l'épargnant, alors même que ce type de questionnaire, obligatoire ailleurs, ne l'est pas dans le cadre de l'épargne salariale", explique Sébastien d'Ornano, dont l'offre inclut un tel service. Principal avantage de la solution : elle évite l'excès de prudence.

Attention, ce service peut être facturé (prévoir 0,08%, avec un minimum annuel de 10 euros et un maximum de 150 euros). Et il ne s'agit pas d'une gestion sous mandat, mais d'une gestion conseillée : le robot ne modifiera pas de lui-même la répartition de l'investissement adoptée au départ.

Est-il recommandé d'effectuer des versements volontaires ?

Bien sûr que oui, en complément de la participation et/ou de l'intéressement, et de préférence jusqu'à la limite de l'éventuel abondement octroyé par l'employeur. Parfois, en l'absence d'accord d'intéressement, ces cotisations constituent même le seul moyen de bénéficier de l'abondement. Idem si, comme le prévoient certains accords d'entreprise, vous venez d'arriver chez un nouvel employeur et ne pouvez pas bénéficier de l'intéressement ni de la participation, dus au titre de l'année précédente. La plupart des gérants de plans permettent ainsi de programmer des versements à un rythme mensuel, trimestriel ou annuel, voire de souscrire par carte bancaire. Rappelons par ailleurs que la contrepartie financière des jours stockés dans un CET (compte épargne temps) peut être basculée vers un PEE ou un Perco. Quant aux jours de congé non pris, ils peuvent être affectés au Perco, dans une limite de dix par an. Autant de versements qui peuvent bénéficier de l'abondement.

Faut-il privilégier les actions de son entreprise ?

On l'a vu, certains employeurs se montrent généreux quand il s'agit de faire entrer leurs salariés au capital de l'entreprise, en cumulant abondement et rabais sur le cours. De quoi amortir les chocs boursiers. C'est ainsi qu'avec le plan d'actionnariat 2018 de Vinci, où l'abondement variait de 50 à 200%, il faudra que l'action ait reculé à l'échéance de plus de 47% pour qu'un salarié ayant maximisé l'abondement devienne perdant ! Pour le plan d'Iliad, tout juste annoncé et abondé à hauteur de 100%, il faudrait qu'elle dévisse de 57%. Reste que, lorsque les affaires ne sont plus florissantes, ce genre de dégringolade est fréquent. C'est alors la double peine, comme pour les salariés de Vallourec qui, en plus de craindre pour leur poste, voient fondre leur épargne. Plutôt que de s'abstenir, le mieux, dans un tel contexte, est d'opter pour la version à "effet de levier", parfois proposée par les plans d'actionnariat. Elle permet d'obtenir, à échéance, une garantie sur le capital investi. En échange, la banque structurant l'offre empochera les dividendes versés, ainsi qu'une part de l'éventuelle hausse du cours.

Que faire en cas de versement par défaut ?

Gare aux indécis : quinze jours après son attribution, en l'absence de consigne de votre part, le gérant du plan orientera 50% de votre prime de participation vers la gestion pilotée du Perco. La somme se retrouvera donc bloquée jusqu'à la retraite. Certes, la future loi Pacte devrait permettre de la transférer vers d'autres produits retraite, comme le Perp. Mais elle restera indisponible, sauf possibilité de déblocage anticipé. Dans le cas de l'intéressement, la procédure est moins pénalisante, puisqu'elle se traduit, depuis 2016, par une affectation par défaut sur le fonds le moins risqué du PEE, pour un blocage maximal de cinq ans. Si vous vous êtes fait piéger par les délais, et que le gérant ne veut rien entendre, un recours devant l'AMF est possible. Mais il faudra avoir de sérieuses excuses. La médiatrice de l'autorité vient ainsi de donner raison à un salarié de 47 ans qui souhaitait rapatrier sur un PEE les 50% de sa participation placés par défaut sur un Perco. Il faut dire qu'il venait de rejoindre un nouvel employeur ne proposant pas de plan retraite, et que son bulletin d'option, envoyé à un retour de vacances, était parvenu au teneur de comptes quelques jours seulement après la date butoir. Sans cette décision favorable, cet épargnant aurait dû payer jusqu'à sa retraite les frais de tenue de compte du Perco.

Est-il possible de sécuriser totalement la mise ?

Fin 2018, un quart de l'épargne salariale était encore placé sur des fonds monétaires. Faut-il le rappeler ? S'ils peuvent suffire pour immobiliser sur une courte période des sommes en attente de déblocage, cette catégorie de fonds s'est dépréciée de 0,5% en 2018, et rogne donc le capital investi. Si vous êtes allergique aux grosses prises de risque, tentez plutôt les FCPE à protection partielle, proposés par la plupart des teneurs de compte. C'est ainsi qu'Amundi Protect 90 ESR garantit 90% de la plus haute valeur liquidative atteinte par le fonds, tout en ayant une exposition aux marchés financiers. Tandis que CM-CIC Perspective Certitude fonctionne par palier de 2 euros : quand sa valeur passe de 100 à 102 euros, la protection grimpe alors de 90 à 92 euros. En restant investie, il y a donc de fortes probabilités que la valeur garantie finisse par rejoindre celle de l'investissement initial, voire par procurer un gain.

Mon argent est-il vraiment indisponible ?

En dehors des cas de déblocage anticipé, impossible de déroger à la règle d'indisponibilité des avoirs, de cinq ans dans le cas du PEE, et jusqu'à la retraite avec le Perco. Quant à la dernière opération de déblocage exceptionnel, à l'époque plafonnée à 20.000 euros et conditionnée à des dépenses d'équipement, elle remonte à 2013… Si vous avez un besoin urgent de trésorerie, vérifiez dès lors que votre teneur de comptes ne propose pas un crédit à la consommation adossé au plan. Cette solution évite aussi d'avoir à retirer des fonds déblocables, mais en perte du fait d'une baisse des marchés. Certains proposent un système d'avance sur épargne salariale. C'est un prêt in fine pour lequel le salarié ne paie que les intérêts et rembourse le capital à terme, grâce au déblocage de l'épargne ou à un apport personnel. Coût, pour un emprunt limité à 80% de la valeur du PEE : moins de 3%. Attention, si vous détenez par ailleurs une assurance vie, recourir à une avance auprès de l'assureur sera sans doute moins coûteux.

Renégocier le plan avec son employeur

Votre gamme de FCPE est trop étriquée ? Ou d’une qualité médiocre ? Rien ne vous empêche de solliciter la direction de l’entreprise ou les représentants du personnel pour demander qu’elle soit améliorée par le teneur de comptes. Notamment via une architecture ouverte, c’est-à-dire incluant des produits pilotés par des sociétés concurrentes de celle du gérant du plan. C’est bien sûr plus facile dans les TPE, aux salariés en contact direct avec le chef d’entreprise. La concurrence, qui ne cesse de se développer, pousse d’ailleurs dans ce sens. Reste sinon la solution, radicale, du transfert collectif de plan vers un nouveau teneur de comptes. Une opération complexe qui prend jusqu’à trois mois. Le nouveau gestionnaire devra veiller, en outre, à proposer une gamme de FCPE compatible avec l’ancienne, au risque que la société perdante bloque le transfert.

L’investissement en actions varie de 10 à... 66% !

Ces données exclusives, fournies par Natixis, montrent que l’investissement en actions grossit avec la taille de la société. Il faut y voir le poids de l’actionnariat salarié, très diffusé, surtout au sein du CAC 40 (51% de titres de ce type). A l’inverse, le monétaire pèse encore lourd dans les PME.