Les problématiques

Cet article a été publié dans les Actualités du Lamy patrimoine (n° 88, juill. 2015).

Lorsqu’il est question de patrimoine, la résidence principale n’est jamais bien loin. Qualité, quantité, elle a une place de choix, en particulier pour les Français. D’ailleurs, elle est réapparue, ces temps derniers, sur plusieurs terrains du droit, du buzz politico-médiatique aux plus obscures décisions de justice et réponses ministérielles. L’occasion nous est donnée de faire le point sur les règles actuelles… et à venir.

La saison étant à l’imposition des revenus et patrimoines, commençons par rappeler le sort – plutôt enviable – réservé à la résidence principale en matière d’ISF.

Abattue à l’ISF

Ainsi, « un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire » (CGI, art. 885 S, al. 2).

Il est précisé que « la notion de résidence principale doit s’entendre du logement dans lequel le redevable réside effectivement et de manière habituelle pendant la majeure partie de l’année » (BOI-PAT-ISF-30-50-10, n° 120).

Les récentes « mésaventures » de président de la commission des finances, Gilles Carrez, largement médiatisées, ont permis de rappeler que « sont exclus de ce dispositif les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par le redevable constituerait sa résidence principale » (des parts de SCI s’agissant du député), contrairement aux « parts de sociétés mentionnées à l’article 1655 ter du CGI, dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements correspondant à leurs droits » (BOI-PAT-ISF-30-50-10, n° 120).

Si l’équité de la solution est discutable, la doctrine administrative est claire.

Logement de fonction

Au passage, signalons qu’ont été exclues du champ de l’exonération, au titre des biens professionnels, des parts de la SCI dès lors que « la SCI avait pour objet la propriété et la gestion du bien immobilier (…), que cet immeuble permettait seulement le logement de fonction du dirigeant de la société (…) sans être le lieu de l’activité » (Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-25.263).

Passif entier

On remarquera enfin un aspect positif – au-delà de la logique dont il relève – concernant le passif lié à la résidence principale : « l’abattement de 30 % appliqué sur la résidence principale ne constituant pas une exonération, un emprunt immobilier contracté pour l’acquisition de celle-ci est admis en déduction en totalité » (BOI-PAT-ISF-30-60-30, n° 40).

La question des plus-values, sensible pour l’impôt sur le revenu mais aussi les prélèvements sociaux, est plus décisive encore que l’ISF.

Exonération de la plus-value

Ainsi, une exonération pure et simple est prévue au 1° du II de l’article 150 U du CGI. Encore faut-il la mériter…

En effet, au vu des enjeux, se pose naturellement la question de savoir quel bien doit être considéré comme résidence principale.

Avec logement de fonction

La doctrine administrative admet par exemple que, « lorsque le conjoint et les enfants du titulaire du logement de fonction résident effectivement et en permanence dans une autre habitation, cette dernière peut être considérée comme constituant l’habitation principale du foyer » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 60).

Les choses sont sensiblement plus complexes en cas d’utilisation professionnelle.

Utilisation professionnelle

Si l’exonération peut s’appliquer à la totalité de la plus-value la résidence principale est « totalement affecté à usage d’habitation mais constitue le domicile commercial d’une entreprise » ou « lorsque l’activité exercée dans l’habitation ne nécessite ni locaux ni matériels professionnels spécifiques » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 70), une ventilation est nécessaire, et « seule la fraction de la plus-value afférente à la cession de la partie privative qui constitue la résidence principale du cédant peut bénéficier de l’exonération » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 80).

SCI aussi

A ce petit jeu, la société civile semi-transparente n’est cette fois pas exclue : l’associé « qui occupe, à titre de résidence principale, un immeuble ou une partie d’immeuble appartenant à cette société et que celle-ci met, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession (…) de l’exonération (…) de la même manière que s’il en avait été lui-même propriétaire », étant précisé que l’exonération ne porte que sur « la fraction de l’immeuble occupé par l’associé à titre de résidence principale » pour « la quote-part revenant à cet associé » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 140).

Reste l’épineuse question du temps de la vente, lorsque l’immeuble a été occupé par le cédant seulement jusqu’à sa mise en vente.

Hors délai ?

L’exonération reste en principe acquise « sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement ».

Si l’administration affirme que, « dans un contexte économique normal, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal », elle s’empresse de mettre en avant « une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente », faisant état, pêle-mêle, « des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 190).

Elle peut se montrer large en la matière mais il convient cependant de presser le pas, « le seul fait que l’immeuble ait été mis en vente n’est pas considéré comme de nature à justifier l’exonération ».

Bon résumé

Une récente réponse ministérielle (RM. Marlin, JOAN 7 avr. 2015 p. 2707, n° 72280) développe nombre de ces points. Il convient de retenir, au regard de ce qui constitue « une question de fait, qui doit être appréciée au cas par cas sous le contrôle du juge de l’impôt », que « lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence ».

Au-delà, le cas particulier de la séparation interpelle davantage encore. Mais l’administration sait se montrer conciliante.

L’un reste, l’autre s’en va

L’exonération reste admise pour celui qui a quitté le bien « dès lors que le logement a été occupé par son ex-conjoint jusqu’à sa mise en vente et que la cession intervient dans les délais normaux de vente ».

Au rang des mesures de tolérance, on constate que l’exonération est ouverte même si « le contribuable est propriétaire du logement qu’il occupe à la date de la cession de l’ancienne résidence commune des époux » et n’est « subordonné à aucun délai particulier entre la date de séparation et la date de mise en vente » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n° 260).

Attention tout de même à ne pas abuser d’une patience qui pourrait, au bout du compte, ne plus rimer avec clémence !

Tout récemment, il a été jugé que « le délai de vente de plus de trois ans ne peut être regardé en l’espèce comme ayant été normal », ce d’autant que l’ex-épouse qui avait quitté les lieux a cumulé les lacunes dans sa défense : « les pièces versées au dossier ne permettent pas d’établir à cet égard que son ex-conjoint se serait opposé à la cession », il n’y a « aucun élément, tenant aux caractéristiques de l’immeuble ou au contexte économique local » et enfin, « à la date de la vente, la maison n’était plus occupée par ce dernier, lequel résidait au Castellet où il avait acquis un nouveau logement (…) et qui constituait sa nouvelle résidence » (CAA Marseille, 7e Ch., 7 avr. 2015, req. n° 13MA01225).

La question de l’enregistrement n’est pas neutre non plus. Et à ce petit jeu, tous ne sont pas traités à la même enseigne !

Droit de partage ou de vente

Si la résidence principale est détenue en indivision – avec ou sans passage préalable par la communauté –, l’un peut vouloir « racheter » la part de l’autre.

Interrogé sur une taxation qui est « perçue comme une double contribution » dans cette situation, Bercy rappelle que les personnes concernées bénéficient déjà d’une mesure de faveur puisque « le rachat de la demi-part du logement par l’un des deux ex-époux ne supporte qu’une imposition de 2,5 % » (RM Chassaigne, JOAN 7 avr. 2015, p. 2709, n° 75403).

Si les ex-partenaires de PACS sont alignés sur les époux, rien de tel pour les ex-concubins : « le concubinage, qui ne résulte ni d’un contrat ni d’un acte administratif mais constate une situation de fait, correspond à une situation différente, à laquelle le législateur n’a pas souhaité accorder le bénéfice du taux réduit », d’où des licitations taxées selon le régime des ventes ordinaires (RM Liebgott, JOAN 7 avr. 2015, p. 2705, n° 71826).

Pas pour l’enfant du conjoint

Enfin, il faut faire encore plus attention lorsque les opérations traînent et que la sortie de l’indivision n’est pas gérée par ceux qui l’ont mise en place : le bénéfice des dispositions de faveur (droit de partage à 2,5 % ; CGI, art. 750-II) est ainsi réservé, « compte tenu de [la] rédaction et de la ponctuation » du texte, aux licitations de droits immobiliers qui interviennent « au profit de membres originaires de l’indivision, de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux »… et ne profite donc pas à « la descendante du conjoint d’un membre originaire de l’indivision » (CA Paris, 15 avr. 2015, Ch. 1, Pôle 3, RG n° 14/11421, à propos d’une « fille adoptive de l’épouse survivante d’un membre originaire de l’indivision sur l’immeuble [qui] ne détenait des droits sur celui-ci que par l’effet de la donation à elle consentie par sa mère adoptive »). Une nouvelle illustration du principe selon lequel les tolérances fiscales sont d’application stricte…

La fiscalité ne doit pas faire oublier le reste – même lorsqu’elle est le sujet central d’un article. Ainsi, pendant ce temps, d’aucuns travaillent à protéger la résidence principale.

Du côté obscur…

Ainsi, dans le cadre très discuté du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dit « loi Macron »), le législateur s’est intéressé à la déclaration d’insaisissabilité qui permet désormais à l’entrepreneur individuel de protéger le patrimoine foncier non professionnel contre les créances professionnelles nées postérieurement à la déclaration (effectuée par acte notarié, rappelons-le).

Les députés ont ainsi adopté un nouvel article (art. 55 ter, à l’initiative de la Commission spéciale et porté par l’avis favorable du Gouvernement) : il s’agit de protéger d’office la résidence principale (affectée à un usage non professionnel bien sûr) et donc de supprimer, pour cette dernière uniquement, la déclaration devant notaire.

La protection offerte à l’habitation principale ne concernerait bien sûr que les créances professionnelles qui naîtraient après l’entrée en vigueur de la loi.

Survivre au décès

Le texte a été modifié par le Sénat, en première lecture, le 12 mai 2015 : un amendement du gouvernement supprimant la limitation des effets de l’insaisissabilité à deux ans en cas de décès de l’entrepreneur a été adopté « pour les besoins de la liquidation de la succession ».

Avouons-le, la cohérence du texte aurait passablement souffert d’une limite posée sans réelle cohérence, et l’on voit donc mal les parlementaires revenir sur ce point.

Solidité de la déclaration d’insaisissabilité

Profitons de l’occasion pour citer un nouveau fait d’armes à mettre au crédit de la déclaration d’insaisissabilité : un entrepreneur individuel avait déclaré insaisissable un bâtiment agricole pour partie aménagé en habitation (acte notarié de février 2010 et liquidation judiciaire en novembre 2011)… et l’outil a pleinement fonctionné : « le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d’un immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable » (Cass. com., 24 mars 2015, n° 14-10.175, publié au bulletin).

Mais entre en cas de séparation du couple, qui va se saisir de l’ex-résidence principale ?

Enjeu de la séparation (civil)

Rappelons que, lorsque des personnes sont séparées de biens – qu’il s’agisse de concubins, de partenaires de PACS ou de conjoints –, l’acquisition d’un immeuble réalisée sans précision dans l’acte donne naissance à un bien indivis 50/50, nonobstant le financement assumé par chacun (… voire par un seul !).

Très régulièrement – et de plus en plus semble-t-il –, les juges tranchent simplement les choses entre époux aux revenus sensiblement différents : inutile de demander une créance au titre d’une participation plus généreuse, elle sera refusée.

Maison à charge

Il en a encore été ainsi tout récemment, la Cour de cassation ayant considéré que l’ex-mari ne pouvait bénéficier d’aucune créance « après avoir constaté que l’immeuble indivis constituait le domicile conjugal et retenu que les règlements relatifs à cette acquisition, opérés par le mari, participaient de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage » (Cass. 1e civ., 1er avr. 2015, n° 14-14.349, publié au bulletin).

Le renvoi aux règles du régime primaire, renforcé parfois par l’existence d’une clause du contrat de mariage selon laquelle chacun des époux « sera réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage », est redoutablement efficace.

Et quand bien même la résidence principale serait un bien personnel du plus riche, il existe une propension important des juges à la livrer à l’autre au moment du divorce.

A titre de prestation

Au cas particulier, une cour d’appel a décidé l’attribution à l’ex-épouse, à titre de complément de prestation compensatoire, d’un immeuble personnel au mari « ayant constitué le domicile conjugal ». Pensant appliquer l’article 274 du Code civil à la lettre, elle a considéré que « l’accord de l’époux débiteur n’est pas nécessaire puisque ce bien n’a pas été reçu par lui par succession ni par donation pour avoir été acquis avant son mariage ».

Fort heureusement, la Cour de cassation (Cass. 1e civ., 15 avr. 2015, n° 14-11.575, publié au bulletin) a rejoint tant le Conseil constitutionnel (décision QPC n° 2011-151, 13 juill. 2011, citée en référence par la Haute cour) que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH n° 4944/11, 10 juill. 2014) : elle réaffirme le caractère nécessairement subsidiaire de ce mode de règlement, le principe restant le règlement en capital, et elle reprocha à la cour d’appel d’avoir statué « sans constater que les modalités prévues au 1° de l’article 274 du code civil n’étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ».

Clin d’œil

En guise de conclusion, posons la véritable question : est-ce bien ma résidence principale et, si oui, que puis-je en faire ? Permettons-nous enfin une pirouette en reprenant mot pour mot la touche finale que Bercy a apporté à la réponse ministérielle Marlin précitée : « Il ne pourrait donc être répondu plus précisément à l’auteur de la question que si, par l’indication du nom et de l’adresse du contribuable concerné, l’administration était en mesure de procéder à un examen plus précis de sa situation au regard des règles de droit applicables rappelées ci-dessus ».

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