Des époux divorcent une vingtaine d'années après avoir constitué, avec leurs enfants, une société civile immobilière dont l'époux était le gérant. L'ex-épouse et les enfants reprochent au gérant de ne pas leur avoir rendu compte de sa gestion chaque année et ils se prévalent de ce manquement pour demander sa révocation judiciaire pour cause légitime (cf. C. civ. art. 1851, al. 2 ).
Une cour d'appel rejette cette demande en retenant que le grief fait au gérant de ne pas avoir rendu compte annuellement de sa gestion devait être analysé au regard de la situation particulière de cette société familiale, créée près de vingt ans avant la procédure de divorce, et que les associés n'établissaient pas avoir régulièrement et vainement sollicité le gérant afin qu’il dépose chaque année le rapport rendant compte de sa gestion.
La Cour de cassation censure cette décision : le caractère familial de la société et l’absence de demande de rapport de gestion émanant des associés sont impropres à exonérer le gérant de son obligation, prévue à l'article 1856 du Code civil, de rendre compte de sa gestion aux associés au moins une fois par an et, en conséquence, à exclure l’existence d’une cause légitime de révocation.
A noter : Précisions inédites, fondées sur une lecture stricte de l'article 1856 du Code civil, qui impose au gérant de rendre compte, au moins une fois dans l'année, de sa gestion aux associés. Les rapports familiaux des associés et du gérant n'ont pas d'incidence sur l'exécution de cette obligation, dont le respect ne s'apprécie donc pas « in concreto » : ce n'est pas parce que le gérant est le père, la mère, le frère ou la tante des associés que cette obligation s'applique à lui de façon moins rigoureuse.
Par ailleurs, l'article 1856 ne prévoit pas que le respect de cette obligation nécessite une demande préalable des associés ; en droit des obligations, on dirait que l'obligation de rendre compte est « portable » (elle doit être exécutée spontanément par le gérant, sur son initiative) et non « quérable » (elle n'a pas à être réclamée par les associés). D'où la solution de l'arrêt ci-dessus.