Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) hier, impôt sur la fortune immobilière (IFI) aujourd’hui, la notion légale de location meublée professionnelle n’a pas fondamentalement varié. Est-elle la même qu’en matière d’impôt sur le revenu ?
Lorsqu’elle est qualifiée de professionnelle, la location meublée peut être intéressante sur le terrain de l’impôt sur le revenu (IR) d’une part, et échappe à l’impôt sur la fortune (ISF-IFI) d’autre part. Mais bien qu’elles soient similaires, les notions de location en meublé professionnel (LMP) en matière d’IR et d’ISF-IFI se distinguent néanmoins sur un point a priori anodin et pourtant très important.
I. Notion de loueur en meublé professionnel et impôt sur le revenu
La location en meublé réalisée à titre professionnel répond à un régime fiscal propre, permettant dans certains cas d’alléger le montant de ses impôts. Encore faut-il pouvoir y prétendre. Suivant le Code général des impôts, le contribuable doit cumuler les conditions suivantes :
- - Au moins un membre du foyer fiscal du contribuable est inscrit au registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité de loueur professionnel ;
- - Les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable excèdent 23 000 € sur l'année civile ;
- - Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, des bénéfices industriels et commerciaux (autres que ceux tirés de l’activité de location meublée), des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux.
Si l'une de ces conditions n'est pas respectée, le contribuable est considéré comme un loueur en meublé non professionnel. Deux remarques s’imposent :
1. Condition relative à l’inscription au RCS
Certains greffes de tribunaux de commerce éprouvent quelques difficultés à procéder à l’immatriculation de personnes physiques en qualité de loueurs en meublé professionnels. Il faut dire que la location immobilière, même exercée à titre habituel, n’est pas mentionnée par le Code de commerce dans la catégorie des activités commerciales. D’un point de vue juridique, la location meublée demeure une activité civile. Or pour être inscrite au RCS, une personne physique doit être commerçante et donc exercer une activité commerciale…
Consciente de cette difficulté, l’administration fiscale était peu regardante sur cette condition, dès lors que le contribuable était en mesure de produire le refus du greffe du tribunal de commerce de procéder à l’immatriculation souhaitée.
Saisi de cette antinomie textuelle, le Conseil constitutionnel vient tout juste, par une décision du 8 février 2018, de supprimer purement et simplement la condition d’inscription au RCS. Il n’est dorénavant donc plus nécessaire de solliciter le greffe du tribunal de commerce, ou d’avoir à justifier d’un refus pour toutes les instances non jugées à titre définitif.
La décision du Conseil constitutionnel est-elle réellement une bonne nouvelle ? La condition d’inscription au RCS semblait à première vue constituer un handicap pour les prétendants au régime professionnel de la location en meublé. Mais en pratique, ce n’était pas véritablement le cas. Il suffisait en effet de justifier du courrier du greffe n’autorisant pas l’inscription. Surtout, cette condition permettait de ne pas se soumettre au régime professionnel, pour rester soumis au régime non professionnel, parfois plus avantageux : bien que remplissant les conditions de recettes, le contribuable pouvait arbitrer entre les régimes au gré d’une inscription ou non au RCS. Cette faculté est désormais révolue.
2. Condition relative aux recettes devant excéder les revenus du foyer fiscal
Le Code général des impôts dispose que les « recettes » annuelles retirées de l’activité de loueur en meublé par l'ensemble des membres du foyer fiscal doivent excéder les revenus professionnels du foyer fiscal.
Ce critère repose sur l’appréciation des recettes tirées de la location meublée, et non des revenus. C’est donc au chiffre d’affaires réalisé au titre de la location meublée, avant déduction des charges, qu’il faut se référer. Nous allons comprendre l’importance de cette distinction.
II. Notion de loueur en meublé professionnel et impôt sur la fortune
les biens immobiliers donnés en location meublée étaient exonérés d’ISF dès lors que les conditions suivantes étaient réunies :
- - Au moins un membre du foyer fiscal du contribuable était inscrit au registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité de loueur professionnel ;
- - Les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable excédaient 23 000 € sur l'année civile ;
- - Le contribuable retirait de cette activité plus de 50 % des revenus professionnels du foyer.
Depuis le 1er janvier 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). L’assiette de ce nouvel impôt n’est prosaïquement constituée que des biens immobiliers non affectés à une activité commerciale notamment. Et le législateur a repris la règle suivant laquelle la location meublée échappe à l’impôt sur la fortune, pourvu qu’elle soit exercée à titre professionnel, c’est-à-dire que :
- - Le contribuable réalise plus de 23 000 € de recettes annuelles ;
- - Que les revenus issus de la location meublée excèdent 50 % des revenus professionnels du foyer fiscal.
Le législateur a supprimé la condition d’inscription au RCS. Mais c’est la dernière condition qui focalise toute l’attention. Ici, le critère est celui des revenus et non des recettes. Autrement dit, on apprécie le caractère professionnel ou non du bien au regard de l’ISF-IFI suivant l’importance des revenus nets de charges et amortissements. Le TGI de Paris l’a récemment affirmé par un jugement du 31 août 2017. Cela suppose donc que l'activité de location meublée soit bénéficiaire et que ces bénéfices soient supérieurs aux autres bénéfices professionnels du foyer fiscal.
III. Conclusion
Un contribuable peut parfaitement être considéré comme loueur en meublé professionnel au titre de l’IR, sans pour autant pouvoir se prévaloir de l’exonération d’impôt sur la fortune, et inversement. Cela sera particulièrement le cas en présence de déficits imputables sur le revenu global.
L’exemple suivant en fournit une illustration : Un investisseur réalise des recettes annuelles de 40 000 euros TTC au titre de la location meublée, les autres recettes professionnelles n’excédant pas 10 000 euros. Mais son activité de loueur en meublé est déficitaire. Cet investisseur est considéré comme professionnel au sens de l’IR, mais non professionnel au sens de l’IFI.
Attention donc à réaliser les bonnes déclarations fiscales : le fisc veille !
Cet article a été rédigé par Philippe Van Steenlandt, docteur en droit (Paris II Panthéon-Assas), diplômé notaire, directeur du service patrimonial de l’Etude notariale ALPHA NOTAIRESavec Aurore GUERIN, Avocat au Barreau de Paris, Associée au sein du cabinet FONDATIO.